Pourquoi l'égalité Femme-Homme est-elle bénéfique à tou·te·s ?

J’en avais déjà un peu parlé dans mon précédent article sur les prochains défis pour 2022, mais cette nouvelle fenêtre d’écriture me permet d’approfondir un sujet : pourquoi l’égalité Homme-Femme est-elle bénéfique pour tou.te.s ?

Une question qui peut paraître étonnante, surtout en 2022. On ne devrait pas avoir besoin d’argumenter sur le pourquoi du comment il faut plus de diversité dans la société, et dans les entreprises en particulier. Cependant les choses ont tout de même du mal à avancer dans ce domaine, et il est important non seulement de comprendre les origines de ces disparités, mais aussi de voir en quoi il est bénéfique pour tout le monde de s’y mettre dès maintenant !

1/ Mixité, parité, égalité… c’est quoi la différence ?


Avant toute chose, parlons un peu de vocabulaire.

Le lexique de la question de l’égalité homme/femme s’est enrichi ces dernières années avec la montée en maturité de la réflexion sur ce sujet. Que ce soit à l’école ou dans les médias, on entend souvent trois mots qui vont ensemble mais qu’on prend rarement le temps de définir vraiment : mixité, parité, égalité. Qu’est-ce que ça veut dire exactement ?

a) La mixité, pour une réelle représentation

En psychologie sociale, on considère qu’une minorité dans un groupe établi ne peut avoir de poids dans ce collectif en dessous d’une représentation de 30%. Un groupe est donc mixte quand il est, dans notre cas, composé d’au moins 30% de femmes ou d’au moins 30% d’hommes.

C’est un mot hérité des débats autour de l’instruction des filles, on parlait également de “co-éducation” et de “gémination”. Jusqu’au milieu du XXème siècle, la mixité n’est une question que pour le monde de l’enseignement. Ce n’est qu’après la Seconde Guerre mondiale que la question de la place des femmes au travail et dans la société ressurgit sous la forme légitime d’une revendication de celles-ci à bénéficier des mêmes droits et des mêmes opportunités que les hommes.

En effet, puisqu’elles ont le même niveau d’instruction qu’eux, pourquoi ne pourraient-elles pas voter, travailler sans l’autorisation de leur père ou de leur mari, disposer de leurs propres moyens de paiements, etc. ?

Aujourd’hui, la notion de mixité a quitté le seul lexique de l’égalité homme-femme pour adresser les questions des discriminations dans leur ensemble (mixité sociale, mixité culturelle, mixité religieuse, etc).

b) La parité, pour une représentation juste

La parité signifie que chaque sexe doit être représenté à égalité dans les institutions. afin d’assurer un accès des femmes aux mêmes opportunités, droits, occasions de choisir, conditions matérielles que les hommes.

Elle peut s’organiser de différentes manières, et pour cela elle s’appuie sur une série de lois qui s’appliquent dans des domaines variés (entreprise, institution, etc) comme par exemple la loi Copé-Zimmermann de 2011 pour la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillances à l’égalité professionnelle, ou encore la loi du 12 mars 2012 pour la mise en place de quotas pour favoriser l’accès des femmes aux hautes fonctions d’encadrement.

Voici quelques dates et lois clés à retenir :

Source : https://www.ville-mordelles.fr/chronologie-des-droits-des-femmes/

c) Des instruments à la mise en oeuvre

La parité et la mixité sont des instruments qui ont une finalité : l’égalité homme-femme.

Attention, la mixité et la parité doivent de pair pour assurer cette égalité sinon aucune d’elle n’est efficace. En effet, à quoi sert une assemblée paritaire si les hommes occupent toutes les fonctions de décision et les femmes celles d’exécution ?

Il est également important de prendre en compte que, comme tous les outils, ceux-ci peuvent avoir plusieurs applications. En prenant acte de la diversité des applications de ces outils, nous saurons mieux nous emparer et trouver le bon levier à actionner pour agir en faveur de l’égalité.

2/ Et aujourd’hui, on en est où ?

Et bien sans surprise, ce n'est pas encore vraiment gagné… Pour en savoir plus, analysons un peu les résultats de l’Index de l’égalité professionnelle 2022.

L’Index de l’égalité professionnelle, qu’est-ce que c’est ? Depuis 2019, toutes les entreprises de plus de 250 salariés et, depuis 2020, toutes celles de plus de 50 salariés doivent calculer et publier leur Index de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes (note globale sur 100), chaque année au 1er mars. 61% des entreprises concernées ont répondu au questionnaire cette année.

C’est une bonne surprise de constater que deux indicateurs sont en progression depuis 2021 :

  • Le retour de congé maternité
  • La parité dans les 10 meilleures rémunérations

Cependant, force est de constater qu’il n’y a que 2% des entreprises qui ont obtenu une note maximale de 100%. Malgré certains progrès, les écarts de traitement dans le monde du travail entre Hommes et Femmes restent considérables.

Un constat, comme d’habitude, très paradoxal car le coût économique de cet écart est colossal, et les retombées négatives comme positives sont plus importantes que ce que l’on pourrait croire (comme l’explique très bien cette étude du FMI).

Il faut donc d’urgence soulever tous ces obstacles !

3/ Pourquoi viser cette égalité Homme-Femme ?

Au lieu de vous faire tout un discours sur le pourquoi du comment c’est important, et si on essayait de se poser les bonnes questions ?

a) Pourquoi ne pas améliorer la performance et le bien-être en entreprise ?

Les études montrent une corrélation entre le fait d’évoluer dans un environnement où la parité est respectée, le bien-être au travail et les performances organisationnelles.

Les femmes et les hommes apportent au monde du travail des compétences et des optiques différentes, et ont notamment une approche distincte du risque et de la collaboration. Les recherches ont aussi montré que les entreprises voient leurs résultats financiers s’améliorer lorsque la composition de leurs conseils d’administration est plus équilibrée entre hommes et femmes.

La qualité de vie au travail est réputée meilleure lorsque les femmes font partie du management, comme peut l’expliquer cette étude du Time, et ce, que ce soit des employé.e.s hommes ou femmes. En effet, de part leur socialisation les femmes sont plus à même de voir les progrès de leurs collaborateur.rice.s et elles auraient plus tendance à encourager leurs collègues au travail. Cela crée forcément un environnement d’émulation et de motivation.

b) Pourquoi se priver de la part des consommatrices ?

Contrairement aux décennies précédentes où le pouvoir d’achat revenait aux hommes, aujourd’hui il est estimé que dans les pays développés, 70% à 85% des dépenses du quotidien sont faîtes par les femmes.

Or, dans un monde d’entreprise dirigé par et pour des hommes à tous les niveaux (conception, marketing, dirigeants, etc), 91% des femmes estiment que le marketing des entreprises et la façon dont les produits sont conçus ne sont pas adaptés à leurs besoins.

Pour mieux cibler ces besoins, il est essentiel de sortir de schémas trop masculins et d’inclure les femmes dans les conceptions et prises de décisions, pour augmenter sa part de marché.

c) Pourquoi se priver de talents ?

L’admission des femmes à l'égalité parfaite serait la marque la plus sûre de la civilisation, et elle doublerait les forces intellectuelles du genre humain.” (Stendhal)

Condorcet, Stuart Mill ou Stendhal le disaient déjà il y a un ou deux siècles au sujet des femmes : cette perte de chance pour les individus définis comme “différents” (au regarde la norme donnée) est perçue comme une perte de chance pour la société toute entière qui se prive de la majorité de ses talents !

Près de 60% des diplômés de master sont des femmes. Celles-ci sont majoritaires dans presque tous les cursus : elles représentent 65% des diplômés en droit, ou sciences politiques, 62% des médecins diplômés, 60% des diplômés en économie, gestion ou encore sciences naturelles.

Améliorer l’égalité hommes-femmes c’est donc s’assurer de recruter ces jeunes talents et limiter le turnover !

De plus, la nouvelle génération de salarié.e.s est de plus en plus sensible à ce type de problématiques, et en font un véritable critère dans leur recherche d’emploi.

d) Pourquoi ne pas donner une bonne image vis-à-vis de ses client.e.s et de ses partenaires ?

Si les arguments précédemment cités ne vous suffisent pas,

Travailler sur l’égalité Homme-Femme, c’est améliorer l’image de son entreprise. Si on s’en réfère à une récente étude de ScienceDirect, aujourd’hui la réputation et l’engagement éthique des marques sont tout aussi importants, voir dans certains cas plus, que le prix d’achat d’un produit. De quoi réfléchir !

e) Pourquoi ne pas juste respecter la loi ?

L’an dernier, près de 1500 entreprises françaises ont été rappelées à l’ordre pour ne pas avoir mis en place de plan de favorisation de la diversité dans leur structure, et 47 ont été sanctionnées financièrement ou judiciairement. Dans une époque où ces questions sont de plus en plus importantes pour l’opinion publique, le contexte réglementaire va se durcir avec les années à venir.


4/ Des solutions… qui amènent d’autres questions

Comme vous l’aurez compris, la diversité comme facteur d’innovation, de montée en puissance des process de décision et donc de performance a le vent en poupe depuis les années 2000 et rencontre un vif succès. Et ce, en particulier dans les entreprises qui se retrouvent plus facilement dans ces éléments de langage que dans des discours teintés d’idéologie.

Tout cet argumentaire, bien que très enthousiasmant dans les faits parce qu’il parle à des décideur.se.s et leur fait prendre de véritables mesures pour la mixité, peut rapidement se confronter à des critiques de fond :

En attendant du "différend" qu’il porte le changement, ne l’oblige-t-on pas à refaire une démonstration permanente de son utilité pour assurer sa place ?

Est-ce qu’en essentialisant ses qualités, on ne s’enferme pas dans une complémentarité des rôles des un.e.s et des autres au détriment d’un idéal d’universalité où chacun.e peut exprimer sa singularité ?

Au final, est-ce qu’on ne va pas prendre le risque de réussir une mixité sans égalité, quand ce serait plus facile de perpétuer certains écarts de traitement au nom d’une forme de “nécessaire inconfort” propices à des dynamiques de mobilisation et de changement ?

Vous imaginez bien que ces questions sont volontairement provocatrices. Mais ainsi posée, on se souvient du contraire de l’égalité, qui n’est pas la différence mais bien les inégalités en elles-mêmes. Autrement dit, favoriser l’égalité pour tou.te.s n’est pas effacer les différences des un.e.s et des autres, mais bien de garantir à tou.te.s les mêmes chances.

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