Pourquoi est-il plus difficile de négocier son salaire quand on est une femme ?

Je travaille sur la question de l’empowerment féminin depuis plusieurs années déjà et si je constate que ce mouvement a permis d’encourager plus de femmes à “aller de l’avant” (pour reprendre les mots de Sheryl Sandberg, figure de proue du mouvement), il a également des limites évidentes.

Pousser les femmes à prendre le pouvoir ne doit pas nous rendre aveugles sur ce qui continue d’empêcher les femmes de le faire.

En matière de négociation salariale et d'inégalités salariales, beaucoup de raccourcis sont faits.

Comprendre pourquoi les femmes peinent à négocier leur salaire, by Tyler Spangler

Les femmes sont moins nombreuses à négocier leur rémunération. Ainsi, seules 34% des femmes ont négocié leur premier salaire contre 41% des hommes.

Pourtant, conclure que former les femmes aux techniques de négociation salariale est la solution aux inégalités salariales est un leurre. C’est oublier que la négociation salariale est une partie qui se joue à plusieurs et que derrière les dynamiques comptables, se cachent des dynamiques sociologiques et psychologiques bien plus complexes.

Pourquoi, en 2022, est-il toujours plus difficile de négocier son salaire quand on est une femme ?

  1. Négociation salariale - et si tout se jouait dans le bac à sable ?

Notre éducation façonne notre manière de voir le monde, mais aussi notre rapport à l’argent.

Si de nombreux parents pensent donner la même éducation financière à leurs filles et à leurs garçons, la réalité est en fait toute autre. Les filles en France perçoivent en moyenne 12,5% de moins d’argent de poche que les garçons !

Une inégalité qui interroge et qui confirme l’existence d’une socialisation genrée à l’argent : femmes et hommes ne sont pas éduqué.es de la même façon à l’argent.

Comme l’explique la journaliste et essayiste Titiou Lecoq dans son podcast “Rends l’argent” qui s’intéresse à la question de l’argent dans le couple  :

« la féminité est construite sur le don (..) éduquées au don, les femmes sont donc plus à l’aise pour donner que pour demander à recevoir ».

Comme le rappelle également Fiona Schmidt journaliste et essayiste, « gagner de l’argent est intrinsèquement associé à la masculinité, à la virilité ».

À l’âge adulte, cette éducation genrée façonne deux visions de l’argent diamétralement opposées - il devient un champ des possibles pour les hommes, mais un terrain inaccessible pour les femmes (à titre d’exemple, 49% de femmes disent se sentir exclues ou rejetées du monde de l’investissement). Pour les hommes, l’argent est associé à une valeur morale positive quand il devient une valeur morale négative pour la femme.

C’est ainsi que dès notre plus jeune âge, nous sommes envoyées sur le banc de touche du jeu financier.

Et cette mise au ban impacte la confiance des femmes dans leur capacité et leur légitimité à pouvoir demander plus. En matière de négociation salariale, les femmes ont le sentiment de ne pas pouvoir décider ! Elles ont en moyenne un locus de contrôle plus externe (sentiment que ce sont les autres qui déterminent notre vie) que les hommes. Cette différence résulte du fait que les hommes se sentent appartenir à un groupe dominant leur donnant ce sentiment de pouvoir décider.  

Les femmes misent à ban n'osent pas demander plus d'argent, by by Tyler Spangler

2.   L’effet de double contrainte – les femmes moins bien perçues quand elles négocient leurs salaires !

Surtout, les femmes sont perçues plus négativement que les hommes quand elles négocient ! Ce phénomène a un nom – c’est ce que l’on appelle l’effet de double contrainte.

La négociation salariale est un processus dont les femmes ressortent perdantes. Pourquoi ?

  • Si elles n’osent pas négocier leur rémunération elles sont perdantes financièrement
  • Si elles osent négocier, elles seront jugées négativement, car considérées comme déviantes de la norme. Elles sont perdantes socialement.

Vouloir gagner de l’argent quand on est une femme est perçu comme suspect, comme un comportement qui consiste à vouloir se mettre à la place des hommes.

A contrario, un homme qui négocie est perçu comme assertif, sûr de lui, avec une carrure de leader ! Et personne n’est surpris qu’il négocie.

Une femme sera quant à elle jugée autoritaire, trop sûre d’elle, directive. Un même comportement pour deux perceptions différentes.

Outiller les femmes à la négociation salariale doit donc aller de pair avec une sensibilisation, au sein des entreprises, des hommes, mais aussi des femmes, aux biais cognitifs qui influencent ces jugements.

3.   Le spectre du salaire d’appoint – toujours une réalité en 2022 ?

Soyons légitimes de négocier notre salaire, by Jade purple brown

Au fond, la persistance des inégalités salariales et des discriminations subies par les femmes en matière salariale pose une question plus profonde (et dérangeante) : celle de la légitimité du salaire féminin.

Le salaire des femmes est légitime tant qu’il « reste dans le cadre » c’est-à-dire tant qu’il ne dépasse pas celui de leurs conjoints, tant qu’il n’est pas trop important et qu’il reste en somme un « salaire d’appoint ».

Le salaire des hommes est légitime sans conditions. Il est légitime, car il est et reste dans l’imaginaire collectif le salaire familial, celui qui doit permettre de répondre aux besoins de l’ensemble de la famille.

Ainsi, un homme qui négocie sa rémunération est perçu comme une personne négociant pour sa famille, pour ses enfants, pour le mieux-être de son foyer.

Une femme qui négocie semblera d’abord et avant tout négocier pour elle, pour son « petit argent à elle ». C’est une démarche égoïste et vénale qui l’a met en action contrairement à la démarche altruiste de l’homme.

Ce phénomène que l’on appelle le spectre du salaire d’appoint est l’un des plus grands freins à la négociation salariale des femmes et l’illustration de la persistance d’une tolérance sociale vis-à-vis de l’inégalité salariale.

Mais alors quelle place notre société est-elle prête à laisser à l’argent des femmes ?

Invisibilisé et minoré, l’argent des femmes est pourtant l’avenir de notre économie, surtout si on la souhaite plus inclusive et durable !

Au cours des dernières années, la situation économique des femmes a évolué plus vite que les mentalités, créant aujourd’hui un décalage entre l’argent que détiennent et auquel peuvent prétendre les femmes (désormais plus diplômées que les hommes) et l’argent que notre société patriarcale est prête à leur céder.

En plus des nombreuses mesures de politiques publiques à mettre en place (notamment en matière de transparence salariale), l’égalité salariale ne se fera pas sans une remise en question profonde de la façon dont nous éduquons nos enfants à l’argent et de la manière dont la société perçoit les femmes et l’argent.


Traçons une route pour plus d'égalité, by Tyler Spangler 

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FEMCA est une plateforme de formation à l’investissement et aux finances personnelles à destination des femmes. Nous proposons une formation financière d’un nouveau genre avec des parcours de formation mêlant développement personnel et passage à l’action pour se lancer concrètement !

Nous proposons également des événements et une communauté pour rencontrer et échanger avec d’autres investisseuses.

Notre mission est de démocratiser l’investissement pour le rendre accessible à plus de femmes car nous sommes convaincu.es que plus de femmes investisseuses, ce sont plus de femmes qui façonnent la société de demain.

À propos d'Ada Tech School

Ada Tech School est une école d’informatique inclusive, qui forme au métier de développeur·se en 21 mois. Elle a trois campus : Paris, Nantes et Lyon. Au sein de l'école, les apprenant·e·s apprennent en faisant grâce à une pédagogie alternative inspirée de Montessori, approchant le code comme une langue vivante et favorisant la collaboration et l’entraide grâce à des projets collectifs. L’école doit son nom à Ada Lovelace, qui fut la première programmeuse de l’histoire.

Après neuf mois de formation, les apprenant·es sont opérationnel·le·s et prêt·e·s à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école (Trainline, Deezer, Blablacar, JellySmack, Back Market...).

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