Le statut des femmes développeuses à travers le monde
Aujourd'hui, l'informatique occupe le devant de la scène. Ce secteur recrute massivement malgré la crise sanitaire et offre de belles opportunités professionnelles aux femmes développeuses.
Alors pourquoi ne pas tenter de travailler dans ce domaine?
Si tu es une femme et que tu ne t'es pas orientée dans ce secteur, c'est peut-être parce que tu as été découragée par un lot de stéréotypes. Résultat : l'informatique aujourd'hui en France est un secteur particulièrement masculin avec seulement 10% des métiers de la programmation occupés par des femmes.
Même si l'égalité femmes-hommes semble devenir la norme, il y a encore du chemin à parcourir, notamment dans l'informatique. Il est donc important de former les jeunes filles aux métiers de développeuses pour pouvoir assurer une transition numérique de manière égalitaire. Et cela, à l'international !
Il est aussi intéressant de voir que les mauvais élèves de l'égalité femmes-hommes dans le domaine de l'informatique sont les pays occidentaux, alors qu'ils tentent de montrer l'exemple en matière d'égalité. En effet, des pays comme la Malaisie ou les Emirats Arabe Unis forment et attirent plus de femmes dans le secteur de l'informatique.
Cet article est ici pour te montrer la situation des femmes développeuses dans le monde, t'expliquer pourquoi les femmes ont été marginalisées dans certains pays et comment il est possible de leur donner à nouveau une place importante dans ce secteur !
Les femmes développeuses dans l'informatique en quelques chiffres
En trente ans, les femmes ingénieures en informatique en France sont passées d'un tiers des effectifs à seulement 15%. Dans les métiers du numérique, les femmes représentent seulement 30% des emplois et parmi eux, elles sont seulement 15% à occuper des fonctions techniques dans la production ou l'exploitation de projets informatiques contre 75% dans des domaines stéréotypés comme féminins (ressources humaines, communication, marketing), rapporte Le Monde.
Alors, la France est-elle vraiment une mauvaise élève ou est-elle dans la tendance inégalitaire mondiale du secteur de l'informatique? Que peut-on remarquer en comparant le statut des développeuses dans le monde?
Dans un article datant de 2017, l'Unesco constate que les femmes dans le monde représentent 53% des titulaires d'une licence ou d'un mastère et 43% des docteures dans les domaines scientifiques. Bien que la parité soit de mise en science, l'informatique manque encore cruellement de mixité.
D'une manière générale, l'Unesco rappelle que les femmes sont largement sous-représentées dans les sciences de l'ingénieur. Et particulièrement dans les pays occidentaux, qui sont à la traîne par rapport à des pays en développement.
Ci-dessous, le pourcentage de femmes ingénieures par pays :
- Au Japon, les femmes représentent 5% des ingénieurs
- En Israël, 14% des femmes étudient les sciences de l'ingénieur, 10% sont en informatique.
- En Corée, elles constituent 10% des ingénieur·e·s
- Le Canada compte 19% de femmes ingénieures
- La France compte 21% de femmes ingénieures
- En Allemagne, aux Etats-Unis et en Finlande, leur proportion est de 22%
- La situation est décrite comme particulièrement inquiétante en Amérique Latine et dans les Caraïbes avec une forte chute des diplômées depuis 2000.
- Le Danemark n'arrive pas encore à la mixité avec 38% de femmes diplômées en sciences de l'ingénieur. Par contre, dans le domaine spécifique de l'informatique, le pays enregistre une nette augmentation de femmes dans le secteur avec un passage de 15% à 24% entre 2000 et 2012.
- la Russie compte 36% de femmes ingénieures
- Chypre compte 50% de femmes diplômées en sciences de l'ingénieur
En revanche, dans certains pays en développement, la part des femmes possédant un diplôme d'ingénieure est en constance augmentation :
- 33% des ingénieurs sont des femmes au Costa Rica
- 41% en Tunisie
- 42% au Brunéi Darussalam
- 44% au Guatemala
- 53% en Oman
- 50% en Malaisie, avec une réelle mixité dans le domaine spécifique de l'informatique.
Faisons un petit focus sur la Malaisie, qui atteint la parité totale. Pourquoi ?
Cela s'explique par plusieurs facteurs :
- Les femmes étaient déjà sur-représentées dans l’industrie électronique malaise, ancêtre de l'informatique. Elles ont naturellement évolué vers ces métiers.
- La Malaisie est un précurseur de l'industrie des technologies de l'information et la politique nationale a cherché à créer une culture "panmalaise" dans ce secteur, mélant les différents groupes éthiques de ce pays (Malais, Chinois et Indiens). En mettant en place des quotas pour les Malais, les femmes Malaises ont pu accéder à l'informatique à cause du manque d'intérêt des hommes Malais pour le domaine des technologies de l'information.
- Les familles poussent aussi les jeunes filles à étudier dans ce domaine car il est très rémunérateur et permet une réelle ascension sociale, rapporte l'Unesco.
- Mais surtout, selon Isabelle Collet, c'est une affaire de stéréotypes inversés. La représentation des développeuses n'est pas la même selon les pays. En Malaisie, ce métier est considéré comme un métier où l'on peut travailler de chez soi (donc s'occuper des enfants et de la vie domestique), où l'on ne se salit pas, où l'on n'exerce pas de force physique, donc un travail de femmes selon les stéréotypes Malais.
Et cela se voit dans les formations d'informatique, puisqu'à Kuala Lumpur, à la faculté d’informatique et des technologies de l’information, toutes les responsables de départements sont des femmes.
Les femmes ingénieures dans certains pays d'Afrique subsaharienne augmentent de manière significative depuis les années 2000, dans des pays comme le Bénin, le Burundi, l’Érythrée, l’Éthiopie, Madagascar, le Mozambique et la Namibie.
La proportion de femmes dans l'informatique en Turquie a également augmenté de 29% à 33% en quelques années.
Ces données sont intéressantes car elles permettent de montrer que la France n'est absolument pas un modèle sur le plan de l'égalité femmes-hommes dans l'informatique.
Comment expliquer cette masculinisation des métiers de l'informatique dans les pays occidentaux, à l'encontre de ce qui se passe dans d'autres continents ?
L'histoire de la masculinisation du code dans les pays occidentaux
Aujourd'hui, de nombreuses associations et entreprises se battent pour atteindre l'égalité dans le domaine de l'informatique. Celle-ci était pourtant sur la bonne voie en France dans les années 70 avec une proportion de 50% d'étudiantes dans le domaine.
Pourquoi les femmes ont été ainsi marginalisées dans l'informatique? Pourquoi manque-t-il cruellement de developpeuses? Rien de mieux qu'un petit point d'histoire pour mieux comprendre.
Entre 1940 et 1980, les femmes ont joué un grand rôle dans le développement de l'informatique En effet, elles ont énormément apporté en termes d'innovation et d'avancées techniques. L'équipe de l'un des premiers ordinateurs conçu en 1945, l'ENIAC (Electronic Numerical Integrator And Computer), était entièrement composée de femmes développeuses.
Tu peux d'ailleurs te reporter à notre exposition des femmes dans l'informatique pour te rendre compte de l'ampleur de l'apport des femmes dans ce domaine.
Pourquoi ces développeuses étaient-elles si nombreuses alors qu'elles avaient à peine le droit de vote à cette époque? Une fois de plus, tout est affaire de stéréotypes !
- Les développeuses étaient nombreuses mais sous les ordres des ingénieurs et concepteurs masculins
- Il s'agissait d'une activité récente : il n'y avait ni formation, ni diplôme, ni définition précise du métier
- Les développeuses étaient en bas de l'échelle et considérées comme des "ouvrières" scientifiques
- Les critères d'embauche étaient peu sélectifs : un simple test de logique
- Le secteur était moins sexiste car très féminisé, ce qui attirait plus de femmes. D'ailleurs, les femmes scientifiques diplômées ne trouvaient pas de travail et souffraient de discriminations en terme d'évolution, elles se tournaient alors vers l'informatique, un domaine très féminin à l'époque.
- Les arguments de ventes étaient finalement très réducteurs et discriminants : "si une femme code votre ordinateur, vous arriverez forcément à l'utiliser" !
Dans les années 50, les ingénieurs (souvent des hommes) se sont rendus compte des limites des machines informatiques de l'époque. Ils ont dû utiliser leur imagination pour contourner les lenteurs des premiers ordinateurs.
Commence alors le début du code comme on l'entend aujourd'hui, un langage multiple et complexe. Il ne s'agissait plus d'un métier d'"ouvrières" car il avait été revalorisé. Les hommes s'en sont alors emparés. C'est à cette époque que s'est construit le mythe de l'informaticien fou, de type masculin et forcément antisocial.
Avec la démocratisation de l'informatique et l'arrivée des ordinateurs dans les foyers, l'homme est devenu instinctivement le détenteur de cette science. Ces "Personal Computers" étaient forcément installés dans la chambre des petits garçons, qui devaient apprendre à s'en servir.
A côté, la publicité de ces ordinateurs visait exclusivement les hommes. Résultat : au moment des études supérieures, les hommes avaient un train d'avance sur les femmes et s'étaient déjà familiarisés avec l'informatique dans leur enfance, contrairement aux petites filles qui en étaient exclues.
La masculinisation arrive toujours au moment où un secteur prend de l'ampleur. Avec le développement industriel de l'informatique, les nombreuses femmes développeuses des années 70 ont voulu intégrer ce marché de l'emploi. Or, les recruteurs refusaient de les intégrer car cela symbolisait pour eux une dévaluation du métier.
C'est pourquoi le secteur de l'informatique souffre aujourd'hui d'un nombre incalculable de stéréotypes qu'il est important de déconstruire et qu'il manque de développeuses.
Pourquoi et comment agir pour réduire les inégalités de genre dans le secteur informatique ?
La crise sanitaire a accéléré le processus de transition numérique. C’est devenu d'ailleurs “l'enjeu majeur pour assurer la compétitivité de l’économie”, assurait le communiqué de presse de la mission numérique des grands groupes.
Dans un monde où les femmes retrouvent peu à peu une place mais dans lequel les inégalités sont encore omniprésentes, laisser les hommes s'emparer du numérique reviendrait à renforcer la patriarcat et retirer le bénéfice de plusieurs années de lutte pour l'égalité. Bof, bof, tu es d'accord..
Surtout lorsque l'on sait que la diversité permet une meilleure performance de l'entreprise. De plus, les discriminations pullulent déjà dans des millions de logiciels, il est donc important de rapidement bloquer ce processus anti-égalitaire en formant les prochaines développeuses.
Depuis quelques années, de nombreuses initiatives viennent combattre ce manque d'égalité dans l'informatique.
C'est notamment des réseaux de femmes qui se construisent pour valoriser leurs compétences et partager les offres de développeuses : Women on Rails par exemple.
Selon Isabelle Collet, dont tu peux retrouver les propos dans notre article, ce combat féministe est "indispensable", rapporte le Monde.
Il est intéressant alors de s'inspirer d'initiatives venant du monde entier pour mettre en place un secteur de l'informatique paritaire. Petit tour d'horizon de ces universités ont mis en place des actions d'inclusion dans le secteur de l'informatique. Leur méthode suit 3 axes :
- "Intéresser" : inciter des candidates développeuses à postuler en leur montrant que ce métier est épanouissant intellectuellement
Dans le cas de La Norwegian University of Science and Technology, cela s'est traduit par des campagnes publicitaires dans les cinémas, dans les lycées. La femme était dépeinte comme une communicante avec des aptitudes sociales qui lui permettaient d'avoir une approche globale de l'informatique contrairement aux hommes qui étaient dépeints comme des hackers étroits d'esprit et focalisés sur la technique. Cette université a donc joué sur les stéréotypes existants en les détournant.
A La Carnegie Mellon University (États-Unis), cette phase s'est traduite par une formation des enseignants du secondaire à l'équité des équipes et aux bases de la programmation.
- "Recruter" : le nombre de developpeuses recrutées devait atteindre un pourcentage visé.
Dans cette phase, La Norwegian University of Science and Technology a organisé une Woman's day, où les étudiantes admises ont assisté à des conférences de cheffes d'entreprise et développeuses. Cela a permis de briser les stéréotypes et d'offrir une belle image du secteur. A côté, des quotas ont été instaurés dans l'université.
La Carnegie Mellon University (États-Unis), quant à elle, a décidé de changer les critères d'admission en demandant moins de connaissances en informatique, car les femmes, via la culture patriarcale, y avaient moins accès avant leurs études.
- "Socialiser" : c'est à dire permettre aux candidates développeuses de participer autant que les étudiants à la vie de l'institution.
Pour cette dernière phase, La Norwegian University of Science and Technology a recruté plus de femmes dans l'équipe pédagogique, a créé un laboratoire non mixte exclusivement féminin, a organisé des activités pour créer une communauté de femmes, dont des développeuses.
En ce qui concerne La Carnegie Mellon University (États-Unis), cette université a créé des groupes de niveaux pour éviter la dévaluation des jeunes filles possédant moins de connaissances antérieures, a formé des assistants d'éducation et a instauré un cours de genre. Elle a mis en place des cours interdisciplinaires pour décloisonner l'informatique et a aussi créé un réseau social entre anciennes étudiantes et prochaines développeuses pour permettre le mentorat et encourager le leadership des femmes.
Une école féministe forme les développeuses de demain à Madagascar
Des initiatives, il en existe partout. Les femmes osent se heurter aux préjugés, pour permettre l'accès aux professions encore majoritairement masculines, comme celle de développeuses.
C'est le cas de Matina Razafimahefa, qui a créé une école de code féministe et gratuite à Madagascar.
Fille de commerçants et entrepreneurs, elle réalise ses études en France. Dans son pays où l'accès à internet est encore difficile, c'est au lycée qu'elle prend conscience des atouts de l'éducation française gratuite : "Pour la première fois, je me suis retrouvée dans un établissement public, avec un accès gratuit à l’éducation et à Internet. Mes parents n’étaient plus obligés de dépenser leurs économies pour mon éducation." rapporte-t-elle au Monde.
Encouragée par sa mère, elle arrête ses études de sciences politiques à la Sorbonne et retourne sur sa terre natale pour réaliser son rêve : construire Sayna, une école de code financée par des futurs employeurs. Selon ses mots : « un endroit où les gens peuvent apprendre gratuitement avec Internet et avoir un travail ensuite ».
Cette jeune entrepreuneuse de 22 ans vient de recevoir le prix des meilleurs entrepreneurs du continent : "les préjugés ont la vie dure. Ma famille aussi a essayé de me dissuader. Mais aujourd’hui, même s’ils ne comprennent pas toujours bien ce que je fais, mes parents me soutiennent" raconte-t-elle. Elle est fière de pouvoir aider des développeuses à s'intégrer "dans un monde digitalisé et d’avoir un meilleur avenir" .
Retours en France, à Ada Tech School, nous avons aussi envie de te former au métier de développeur·se, à être une femme puissante ou un homme féministe dans un domaine qui prend de l'ampleur.
À propos d'Ada Tech School
Ada Tech School est une école d’informatique d’un nouveau genre. Elle s’appuie sur une pédagogie alternative, approchant le code comme une langue vivante, ainsi que sur un environnement féministe et bienveillant. Elle doit son nom à Ada Lovelace qui fut la première programmeuse de l’histoire.
L’école est située à Paris, Nantes et Lyon et accueille chaque promotion pour deux ans. Après neuf mois de formation les étudiants sont opérationnels et prêts à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école comme Trainline, Deezer, Blablacar ou encore Botify. Aucun pré-requis technique n’est exigé pour candidater. Il suffit d’avoir plus de 18 ans. La sélection se fait en deux temps : formulaire de candidature puis entretien avec une réponse sous 2 semaines.