L'écriture inclusive ou l'affirmation de l'égalité dans la langue française
Depuis que tu es petit·e, on te rabâche que le masculin l'emporte sur le féminin, surtout lorsqu'il s'agit d'écrire. Inconsciemment, cette injonction porte atteinte à l'égalité entre femmes et hommes. Déjà que les hommes ont une position dominante dans la société, on demande en plus à l'intégralité d'un langage de respecter cette hiérarchie. Et non, ce n'est pas normal.
En effet, depuis que les femmes et les hommes féministes luttent pour l'égalité, remportent des batailles et se battent contre les stéréotypes et les discriminations, il serait temps de repenser les bases de la langue française, celle avec laquelle on écrit l'engagement, on se laisse convaincre, on débat, on aime, on communique. Celle qui nous sert à resserrer des liens.
La langue est la première empreinte d'une société. Et lorsqu'elle est encore dominée par le masculin, on se rend vite compte qu'il y a un problème d'égalité.
Cet article est ici pour te faire un panorama de l'écriture inclusive, une écriture qui repense la langue française pour qu'elle soit plus égalitaire et qu'elle représente un temps soit peu la réalité. Quelle est son histoire ? Que contient l'écriture inclusive ? Découvre son mode d'emploi !
Tu peux être un vecteur d'égalité en écrivant de manière inclusive, c'est pourquoi nous allons tout t'expliquer sur ce fameux langage solidaire.
Qu'est ce que l'écriture inclusive ?
Commençons par la définition : l'écriture inclusive ou "écriture non sexiste" ou encore "protocole rédactionnel non discriminant" est un ensemble d'attentions graphiques et syntaxiques permettant d'assurer une égalité entre les femmes et les hommes. Plus simplement elle sert à bannir l'affreuse injonction du "masculin l'emporte sur le féminin".
L'écriture inclusive amène donc à se poser les questions de genre dans la langue. Son but : donner de la visibilité aux femmes et leur rendre surtout une place égalitaire dans la langue française. Mais aussi prendre en considérations la communauté LGBT+.
Pour cela, l'écriture inclusive est multiple, voici les points principaux sur lesquels cette écriture va s'appuyer (nous te donnerons des exemples concrets plus bas dans l'article) :
- féminisation des mots
- préférence de formulations neutres
- changements des règles d'accords grammaticaux
La féminisation des textes est fondamentale pour mieux comprendre et percevoir la réalité de la société, qui change et qui ouvre les portes à ce genre discriminé depuis toujours. Il est important de lui accorder une place de choix et de banaliser son utilisation dans un but éducatif mais aussi dans un enjeu d'égalité.
L'histoire de l'écriture inclusive
Il est toujours intéressant de remonter un peu l'histoire car cette grammaire n'est pas nouvelle, comme celle des féministes. Bien que le débat autour de cette écriture monte doucement depuis quelques d'années, son apparition est beaucoup plus ancienne.
Comme le rapporte Le Monde, Julie Abbou, une chercheuse en science du langage a fouillé le passé de cette écriture. Elle s'est rendue compte que les termes "écriture inclusive" et "langage inclusif" existaient depuis les années 1970. En effet, "les premières personnes à les avoir utilisés sont des théologiennes féministes et protestantes nord-américaines" , elles auraient proposé de réviser les textes bibliques, pour remplacer "homme" par "être humain" par exemple. Ces textes sont donc la plus ancienne source d'utilisation de l'écriture inclusive : "jusqu’à la fin des années 1980, l’usage est très clairement réservé au champ de la théologie féministe protestante nord-américaine. »
En France, c'est en 2017 que cette écriture fait un buzz monumental avec la publication d'un manuel scolaire des éditions Hatier "Questionner le monde" et qui utilise des points médians (exemple : certain·es). Mais l'expression avait déjà eu une certaine résonance dans le pays un an auparavant lorsque le fondateur de l'agence de communication Mots-clés, Raphaël Haddad, avait publié un manuel d'écriture inclusive.
Il est aussi important de rappeler que la féminisation des mots n'a rien de nouveaux. En effet, au Moyen-Age déjà, certains métiers féminins existaient et ont été rapidement supprimés par l'Académie Française, en même temps que le droit pour les femmes d'exercer tout simplement ces métiers. Par exemple, le mot "autrice" n'est absolument pas nouveau, rappelle le CDEC de Quebec.
En effet, l'Académie Française a, au XVIIème siècle, sous la responsabilité de Richelieu, décidé de masculiniser les mots. La discriminante règle du "masculin l'emporte sur le féminin" a donc vu le jour pour assoir la domination des hommes dans la société patriarcale de l'époque. Preuve que la langue n'est pas figée et que la masculinisation des mots n'est pas forcément la base.
L'histoire de la langue française prouve qu'il y a eu des revirements, des changements en fonction des époques et des réalités de la société.
Pourquoi ne changerons-nous pas l'écriture française pour mieux coller à la réalité de notre société ? Une société qui valorise et laisse une plus grande place aux femmes, qui écoute davantage et se laisse porter vers l'égalité. Cette question est encore source de tensions.
Les controverses sur une écriture plus égalitaire
Avec l'utilisation plus fréquente de l'écriture inclusive, des controverses sur la question animent les débats. Pour que tu te rendes compte un peu des différents points de vues, nous allons te faire une petite liste des arguments contre l'utilisation de cette écriture et leur répondre, en suivant les recommandations du CDEC de Quebec :
- Argument de futilité : certaines personnes pensent que ce débat est inutile, qu'il y a plus important, comme par exemple les violences sexuelles. Réponse : le fondement des inégalités se trouve dans la langue. Puis, rien n'empêche de se battre pour l'écriture inclusive tout en se battant contre les autres formes de discriminations et de violences. De plus, comme le rappelle justement l'agence de communication Mots-clés « le discours n’est pas simplement un instrument de l’influence, mais bien le lieu de l’influence. »
- Argument de lisibilité : "on n'y comprend rien et c'est difficile à lire" . L'écriture inclusive aurait comme défaut d'alourdir le texte. Réponse : des techniques, qu'on détaillera plus loin, existent et sont très légères et facilement imbriquées dans la phrase. Puis, tout est une question d'éducation, d'apprentissage. Ce n'est pas comme si la langue française était simple même lorsqu'elle est à dominante masculine ! C'est un défi qui passera pas des réformes pro-égalité.
- Argument d'esthétique : il n'y a pas vraiment de réponse contre cet argument, qui n'est pas très profond. En effet, il s'agit simplement d'un changement de musicalité et de perception, notre oreille et nos yeux doivent simplement s'habituer.
- Argument du prestige : en France, certaines professions écrites au masculin sont encore jugées plus "prestigieuses" que les mêmes écrites au féminin. Des femmes préfèrent donc encore qu'on les appelle "le Maire" et "le professeur" par exemple. Cela s'explique par l'ancrage de stéréotypes dans notre société encore patriarcale et notamment aussi parce que les femmes ont longtemps été privé d'exercer ces types de métiers. Il faut simplement laisser le temps faire son travail, les usages de langue s'adapteront aux usages sociaux et inversement. Si la féminisation des mots peut faire avancer la société et écraser les stéréotypes qui perdurent, on dit OUI.
- Argument de la tradition : il s'agit de l'argument fétiche de l'Académie française. Mais, quand on regarde l'histoire, on se rend pourtant compte qu'il n'y a aucune tradition dans une langue. En effet, le langage est en perpétuelle évolution. Si on se permet de rajouter des nouveaux mots de notre époque qui n'existaient pas avant, pourquoi rajouter un "e" après un mot choque tant? Cette controverse de l'Académie Française s'explique aussi par la présence minoritaire de femmes dans le cercle de ces constructeurs de la langue. Dans ce cas, l'histoire est importante à rappeler.
- Et l'inclusion ? Et oui, tu as bien entendu, il peut s'agir d'un argument contre l'écriture inclusive. Il touche surtout les personnes non-binaires ou queer par exemple, qui peuvent croire qu'elles ne sont pas prises en compte. Mais, tu le verras, il existe des modes de féminisation qui permettent d'éviter cette conception binaire du langage. Puis, le mieux est de s'adresser directement à ces personnes et de leur demander simplement ce qu'elles préfèrent.
Avec les nombreux débats qui s'enflamment, l'Etat Français a pour le moment donné sa décision concernant les communications d'Etat. Par une circulaire du 21 novembre 2017, le gouvernement impose toujours l'utilisation du masculin dans les textes réglementaires. Or, "les textes qui désignent la personne titulaire de la fonction en cause doivent être accordés au genre de cette personne" puis, il incite à recourir, "dans les actes de recrutement et les avis de vacances publiés au Journal officiel, à des formules telles que « le candidat ou la candidate » afin de ne pas marquer de préférence de genre" . Pourtant l'écriture inclusive n'est encore pas recommandée par le gouvernement, qui refuse son utilisation dans les communications et textes étatiques.
Ecriture inclusive, mode d'emploi
Comme tu l'as compris, l'écriture inclusive comprend des multitudes de techniques. En voici quelques une pour que tu puisses t'y mettre et apporter un petit grain de sel dans ce changement du langage.
- Féminiser les mots : exemple : tuteur/tutrice, acteur/actrice, auteur/autrice, sergent/sergente. Et quand on parle de féminisation des mots traditionnellement masculins, on pense aussi à la masculinisation des mots féminins. Et oui, c'est ça l'égalité. Il est nécessaire de prendre peu à peu le réflexe de consulter des répertoires, comme celui des appellations des personnes mis en place par l'Office québécois de la langue français par exemple, pour féminiser correctement les mots.
- Utiliser le point médian ou des graphies tronquées : les étudiant-e-s / les étudiants-es, les étudiant/e, les étudiant(e)s, les étudiant[e]s, les étudiant·e·s. Tu trouveras ici une extension web gratuite qui te permettra d'utiliser plus facilement le point médian. Et, tu as aussi des raccourcis claviers sur Mac (ALT + MAJ + F) et Windows (ALT appuyé + 250 et relâche ALT) pour le point médian.
- Utiliser des doublets : lorsque le point médian ou les graphies tronquées sont impossibles, il est important d'utiliser des doublets : les administrateurs et (les) administratrices, en sachant que le milieu institutionnel privilégie l'ordre féminin-masculin, contrairement à la majorité des entreprises privées.
- Utiliser des formulations neutres : cela permet une véritable prise en compte de la communauté LGBT+. Ici, le mot n'est pas féminisé mais il est plutôt "démasculinisé". Exemple : la direction, le personnel, les gens, la collectivité, l'équipe, membre, spécialiste, médecin, artiste, habile, on, vous, personne, plusieurs, individu. Dans ce cas, il faut repenser les phrases. Au lieu de dire, la directrice et le directeur, tu diras la direction.
Le top serait véritablement d'abandonner la règle du "masculin l'emporte sur le féminin" en privilégiant par exemple "l'accord de proximité" c'est à dire accorder avec le mot le plus proche ou encore "l'accord de majorité" qui fait primer le genre qui est le plus représenté dans la phrase.
D'autres formes d'écritures inclusives voient le jour. Par exemple, Tristan Bartolini, un graphiste qui a gagné le prix Art Humanité de la Croix-Rouge genevoise, a créé des caractères qui ne sont pas genrés. En effet, en fusionnant des lettres, il fabrique un alphabet inclusif, qui s'utilise tant sur l'ordinateur que sur papier.
Tu l'auras compris, l'écriture inclusive est encore en attente d'initiatives innovantes. Les bases existantes doivent permettre peu à peu de rendre l'écriture à tout le monde, femmes, hommes et toute la communauté LGBT+.
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