Pourquoi les femmes sont sous-représentées dans la tech et comment inverser la tendance

La tech est l’un des secteurs les plus transformateurs de notre société : elle influence nos modes de vie, nos comportements et façonne l’avenir économique et social. Pourtant, les femmes y sont dramatiquement sous-représentées. En Europe, elles n’occupent que 18 % des emplois du numérique. Ce déséquilibre freine l’égalité des chances, mais il prive aussi la tech d’une richesse cruciale : la diversité des perspectives.

Le constat s’étend au-delà des chiffres : les contenus numériques eux-mêmes perpétuent des stéréotypes et invisibilisent les femmes. Le Haut Conseil à l’Égalité décrit un cercle vicieux, où les biais systémiques, ancrés dans les algorithmes et les cultures d’entreprise, renforcent ces inégalités.

Comment en sommes-nous arrivé·e·s là ? Entre stéréotypes persistants, absence de rôles modèles et défis organisationnels, les obstacles sont nombreux, mais pas insurmontables ! Explorons les racines de cette sous-représentation pour identifier des solutions concrètes et ouvrir la voie à une tech plus inclusive, car une industrie qui façonne l’avenir ne peut se permettre de le construire sans toutes ses voix.

1. Une absence qui coûte cher

Difficile de ne pas remarquer l'absence des femmes dans les métiers de la tech, alors même qu’il s’agit d’un secteur en constante évolution et rempli d'opportunités : la demande en ingénieur·e·s informatique augmentera de 26% d'ici 2030 selon la DARES. Google, Uber, Vinted, Tiktok, BackMarket… Ces organisations transforment notre société et nos usages, pour le meilleur comme pour le pire.

Mais quand la tech est partout, tout le monde n'a pas la même chance d'y contribuer : en France, les femmes représentent seulement 17% des métiers du numérique (2023). Pire encore, elles disparaissent de plus en plus de l’informatique : entre 1985 et 2020, la part de femmes parmi les diplômé·e·s en informatique est passée de 37% à 10%, et la moitié des femmes quittent le secteur de la tech avant 35 ans (Cracking the gender code - Accenture x Girls Who Code).

Alors que ce domaine façonne le monde de demain, cette faible représentation féminine pose question et a des répercussions profondes, tant sur les outils développés que sur la société. Emily Chang rapporte qu'Evan Williams, co-fondateur de Twitter, reconnaît lui-même que si des femmes avaient participé aux débuts de la plateforme, les problèmes de harcèlement en ligne et de trolls seraient probablement moins graves aujourd'hui.

Pour Consuelo Bénicourt, directrice responsabilité sociale d'entreprise chez Sopra Steria, cet enjeu dépasse la simple question de représentativité professionnelle : “C’est aussi une question plus largement sociétale. Par exemple, on sait que le déséquilibre se propage dans les algorithmes et y introduisent des biais, du simple fait que plus d’hommes que de femmes y laissent leurs données avec leurs présupposés et leurs visions”.

Pourtant, les équipes diversifiées sont plus performantes : une étude de McKinsey a révélé que les entreprises avec une diversité de genre élevée avaient 25% de chances en plus de surpasser leurs concurrentes.

Alors, comment en est-on arrivé·e·s là ?

La femme invisible dans le numérique (Rapport du HCE)

2. Les racines de la sous-représentation

Pour bien comprendre le problème, il faut en identifier les causes profondes : cette sous-représentation n'est pas seulement le résultat d'un manque d'intérêt : plusieurs facteurs freinent les femmes, dès leur plus jeune âge.

1) Stéréotypes persistants : le poids des idées reçues

Les stéréotypes de genre façonnent très tôt les aspirations et les choix. Dans de nombreux imaginaires, les sciences et la technologie sont encore perçues comme des domaines masculins.

Les femmes programmaient des ordinateurs dans l’armée et la Nasa. Mais quand l’industrie a explosé, des tests de personnalité ont été imaginés pour identifier les personnes compétentes pour ce job. Il a été décidé, bien qu’il n’y ait aucune preuve pour soutenir cette idée, que les bons programmeurs ”n’aiment” pas les gens. Donc si vous engagez des personnes qui n’aiment pas les gens, vous engagez plus d’hommes que de femmes. Ces tests ont perpétué le stéréotype du l’homme blanc, antisocial et geek.

Emily Chang, journaliste

Dès l’enfance, les filles sont exposées à des stéréotypes : les jouets liés à la technologie, aux sciences ou à l’ingénierie (robots, jeux de construction) sont souvent destinés aux garçons. À l’inverse, les jouets “pour filles” mettent en avant des valeurs de soin ou d’esthétique. Pas étonnant qu’elles s’orientent en masse vers les métiers du care (les métiers du soin sont à 90% féminins).

À l’école aussi, les disciplines comme le numérique ou les mathématiques sont perçues comme masculines : 90% des élèves de primaire associent les sciences et le numérique aux garçons. Les parents ou les enseignant·es, souvent inconsciemment, orientent différemment filles et garçons, même à niveau égal.

Alors en conséquence, et sans surprise, les filières techniques et technologiques attirent une majorité de garçons. En terminale, seules 2% des filles choisissent la spécialité numérique et sciences informatiques, contre 14% des garçons. Ainsi, les écoles d’ingénieurs accueillent seulement 11% de filles dans les filières informatiques (selon le rapport du HCE "La Femme Invisible dans le Numérique").

2) Manque de rôles modèles féminins : quand on ne voit pas, on ne peut pas devenir

Les représentations culturelles jouent un rôle majeur dans le maintien des stéréotypes : dans les séries, films et publicités, les professionnels de la tech sont majoritairement des hommes blancs, jeunes, souvent stéréotypés en geeks. 78% des jeunes filles disent ne pas avoir de modèle féminin dans la tech (étude de PwC), un vide qui rend cette carrière plus difficile à envisager.

Et pour cause : 87% des rôles principaux dans les films et séries TV portant sur la technologie sont joués par des hommes, 80% des personnages principaux dans les jeux vidéo sont masculins, et les personnages féminins qui apparaissent sont souvent réduits à des rôles secondaires ou stéréotypés. Sans figure inspirante à laquelle se référer, difficile pour les jeunes filles de se projeter !

3) Culture d'entreprise non inclusive : un défi de taille

Une fois ces stéréotypes dépassés, les femmes qui travaillent dans la tech subissent souvent une double peine : des discriminations systémiques qui rendent leur parcours professionnel plus difficile et une pression à surperformer pour être reconnues.

46% des femmes de la tech déclarent avoir été victimes de comportements sexistes, ce qui alimente des phénomènes de découragement et de départ : 56% des femmes quittent le secteur de la tech au bout de dix ans, souvent en raison d'un sentiment d'isolement et d'un manque de soutien.

À l’heure actuelle, les entreprises manquent de politiques d’inclusion ou d’équité. Les réseaux de mentorat, les formations au leadership, et des espaces sécurisés pour les femmes y sont encore trop rares. Pourtant, il est prouvé qu'un environnement de travail inclusif profite à l'entreprise, tant en termes d'innovation que de productivité.

Manque de femmes dans la tech : d'où vient le problème ?

3. Les efforts essentiels pour redresser la balance

Comment réconcilier les filles et les adolescentes avec les métiers du numérique ? Plusieurs initiatives ont montré qu'un changement est possible mais aussi bénéfique pour les entreprises et la société.

1) Sensibiliser dès le plus jeune âge et valoriser les modèles féminins

Lutter contre les stéréotypes de genres dès l’école primaire est indiscutable pour permettre aux filles de s’orienter vers les sciences et technologies. Des initiatives comme la Semaine des métiers numériques ont prouvé leur efficacité : en Allemagne, ces programmes ont doublé les inscriptions des filles dans les formations technologiques. Le Haut Conseil à l'Égalité recommande également de former les enseignants à reconnaître leurs biais inconscients, afin d’orienter tous les élèves vers les métiers scientifiques sans distinction.

Mettre en avant des modèles féminins inspirants, comme des chercheuses et ingénieures (car oui, il n’y a pas qu’Ada Lovelace : Laurence Devillers, Michelle Simmons ou Aurélie Jean pour ne citer qu’elles) est également primordial pour que les filles s’identifient à ces métiers. Des associations comme Elles Bougent ou Femmes Ingénieures facilitent cette mise en visibilité en intervenant directement dans les écoles, collèges et lycées. Enfin, des initiatives comme Science Factor offrent aux jeunes filles une immersion dans le monde des sciences et de la technologie, leur permettant de voir ces métiers sous un autre angle : porteurs de sens et d'impact sur le monde.

2) Mettre en place des politiques publiques et des quotas

Les quotas peuvent concrètement contribuer à rééquilibrer la représentation des femmes dans la tech. En Allemagne, par exemple, un quota de 30% de femmes a été imposé dans les conseils d’administration des entreprises numériques. Des mesures similaires pourraient être instaurées dans les admissions aux formations technologiques et dans les instances décisionnelles des startups et entreprises tech.

À l’heure actuelle, la French Tech ne brille pas par sa diversité : seules 20% des startups comptent au moins une femme parmi les membres fondateurs. Le montant moyen collecté par les équipes exclusivement féminines reste environ quatre fois inférieur à celui des équipes exclusivement masculines. Si les quotas ont démontré leur efficacité pour accélérer la féminisation dans d’autres secteurs, ils ne suffisent pas à transformer en profondeur les environnements de travail.

3) Créer des environnements inclusifs en entreprises et encourager les femmes dans leur carrière

On l’a évoqué, la moitié des femmes quittent très jeunes le secteur de la tech, et le sexisme qui y perdure y est pour quelque chose : la proportion de femmes de la tech victimes de comportement sexistes est de 8% supérieure à celle observée dans tous les secteurs. Ces comportements prennent plusieurs formes : se voir confier des tâches mineures malgré un haut niveau d’expérience, ne pas être écoutée ou conviée lors des prises de décisions, être délaissée quant à l’évolution de sa carrière, ou pire encore : subir du harcèlement ou d’autres types de violence.

Pour permettre aux femmes non seulement d’accéder à la tech, mais aussi de s’y épanouir, les entreprises doivent s’engager à rendre leurs environnements de travail safe et inclusifs : processus de recrutement neutres, formations sur les biais inconscients et sur l’impact des stéréotypes, chartes d’inclusion, féminisation du management, prévention, signalement et sanction des comportements sexistes…

La création de réseaux de soutien pour les femmes (mentorat, groupes de discussions, réseaux mixtes) a également fait ses preuves : les femmes accompagnées par des actions de mentorats s’épanouissent davantage dans leur carrière (étude de Gender Scan).

4) Encourager la reconversion professionnelle

Élargir les possibilités pour les plus jeunes, d’accord, mais qu’en est-il des femmes déjà en activité ? Il est essentiel de leur proposer des solutions pour faciliter leur reconversion vers les métiers du numérique. Cela inclut, entre autres, le financement de bourses spéciales (comme celles de la Fondation Ada Tech School ou de La Grande École du Numérique) pour les femmes qui souhaitent se former dans les métiers de la tech et la mise en place de partenariats entre entreprises et écoles pour favoriser l’embauche après la formation.

Vers un futur plus inclusif

La sous-représentation des femmes dans la tech n'est pas une fatalité, mais bien le résultat de freins culturels et structurels que l'on peut et doit lever. En montrant aux filles qu’elles ont un rôle à jouer, en repensant l'éducation, les politiques d'entreprise et en soutenant les réseaux féminins, nous avons le pouvoir de faire de la tech un secteur plus accessible et enrichissant pour tous·tes. Chaque initiative qui valorise la diversité de genre est bonne à prendre et participe à façonner un monde plus représentatif !

Ada Tech School s'engage activement à promouvoir une tech plus inclusive grâce à sa Fondation. Cette initiative soutient des projets favorisant l'accès des femmes et des personnes sous-représentées aux métiers du numérique, à travers des actions concrètes comme des bourses d'études, des programmes d'accompagnement et des campagnes de sensibilisation.


À propos d'Ada Tech School

Ada Tech School est une école d’informatique inclusive, qui forme au métier de développeur·se en 21 mois. Elle a trois campus : Paris, Nantes et Lyon. Au sein de l'école, les apprenant·e·s montent en compétences grâce à une pédagogie alternative inspirée de Montessori, approchant le code comme une langue vivante et favorisant la collaboration et l’entraide grâce à des projets collectifs. L’école doit son nom à Ada Lovelace, qui fut la première programmeuse de l’histoire.

Après neuf mois de formation, les apprenant·es sont opérationnel·le·s et prêt·e·s à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école (Trainline, Deezer, Blablacar, JellySmack, Back Market...).

Aucun pré-requis technique n’est exigé pour candidater. Il suffit d’avoir plus de 18 ans. La sélection se fait en deux temps : formulaire de candidature puis entretien avec une réponse sous 2 semaines. Pour plus d’informations sur la formation, télécharge notre brochure de présentation.