Comment la tech a-t-elle révolutionné le marché de la musique ?
À Ada Tech School, on ne code pas sans projet, ni objectif. Le code est pour nous un outil, un moyen pour arriver à une fin, un intermédiaire pour concrétiser une idée. En résumé : le code est créatif. En ce sens, il s'applique bien à certains domaines, comme celui de la musique.
Une personne incarne cette vision du numérique et de l'innovation : Daniel Marhely, co-fondateur de Deezer. À 16 ans, Daniel Marhely se déscolarise pour se consacrer pleinement à ses projets entrepreneuriaux. C'est ce qui le mène à la création de Deezer, la plateforme de streaming, en 2007. Le fondateur de Deezer est donc un autodidacte créatif, qui a su révolutionner le monde de la musique grâce à l'informatique.
La plateforme est désormais un des leaders du marché et permet à toutes et à tous d'écouter de la musique n'importe où.
Pour en savoir plus sur l'influence de la tech dans le secteur musical, nous avons rencontré Rachel, Head of Music, Angéline, Lead Web Engineer, Manuel, Head of R&D et Emilie, Head of People.
Comment la tech a-t-elle contribué à la révolution musicale ?
La naissance du streaming
"Just Hack it" est la devise de Deezer. Et pour cause, la plateforme a été codée par Daniel Marhely dans sa cuisine en 2006. Petit à petit, BlogMusic est devenu Deezer, marquant ainsi la naissance d'un géant français de la tech. Pour rappeler le contexte de l'époque, l'industrie du disque faisait face à une crise sans précédent. Les labels s'endettaient, le téléchargement illégal fleurissait, et les CDs mourraient peu à peu. Deezer a donc su s'insérer sur le marché en faisant du streaming un mode d'écoute incontournable pour les consommateurs et un marché immense pour les labels et les artistes.
Peu à peu, avec ses abonnements payants, Deezer a fait comprendre aux utilisateurs que la musique, comme tout art, est le fruit d'un travail méritant salaire. Cette entreprise tech a aussi réussi à persuader l'industrie musicale de se mettre au goût du jour et d'accepter la fin d'une ère symbolisée par le disque.
Comment peut-on mesurer les retombées du streaming auprès des artistes ?
Deezer a développé pour cela un outil : Backstage. Cette plateforme permet d'avoir accès à de multiples analyses sur les écoutes de chaque chanson, et de communiquer aux labels, aux artistes et aux managers des statistiques directes sur leurs contenus. Les professionnel·les de la musique peuvent ainsi connaître leur cible, le nombre d'écoutes, le nombre d'utilisateur unique...
Le projet Backstage a été créé il y a 4 ans par Angéline et son équipe de développeur·ses pour compléter un projet existant. Il s'élabore en étroite collaboration avec l'équipe de Rachel, Head of Music, qui reçoit et transmet les retours des labels, artistes et managers à propos de Backstage. Angéline et ses collègues peuvent ensuite ajouter les modifications nécessaires et améliorer chaque jour leur produit.
Pour nos lecteur·rices tech, Backstage est codé avec le framework Symfony, en PHP, avec un système de Middleware créé par l'équipe. La donnée est exposée via une API.
Aujourd'hui, cet outil est ouvert à 25 000 artistes qui se connectent via ce portail pour obtenir leurs statistiques.
Depuis l'émergence du streaming, quelle influence de la tech sur le domaine musical ?
À Ada Tech School, nous pensons que la tech est un outil créatif. Comment permet-elle de dessiner le futur de la musique ?
Aujourd'hui la question des genres musicaux semble dépassée. Il est difficile d'attribuer à un·e artiste un seul genre musical. L'objectif de Manuel, Head of R&D chez Deezer, est donc d'analyser, de décortiquer la musique pour identifier à qui elle peut plaire ou déplaire.
Des outils techniques peuvent alors servir à décomposer et à comprendre les morceaux ainsi que leurs artistes. Quels sont les instruments utilisés ? Quel est le rythme ? Que veulent dire les paroles ? Sont-elles insultantes ? Sont-elles apaisantes ? Des outils d'analyses et de reconnaissance musicale très poussés sont capables de répondre à ces questions.
La tech est donc essentielle pour proposer aux utilisateur·rices des morceaux qui leur conviennent. Pour cela, il faut aussi connaître leurs goûts et leurs dégoûts. On utilise alors une "modélisation des intentions des utilisateurs" et les développeur·ses s'associent à des sociologues pour comprendre le mode de consommation des abonné·es Deezer.
La difficulté réside surtout dans la multitude de profils qui font usage de la plateforme. Il paraît en effet évident qu'une adolescente asiatique n'écoute pas la même musique qu'un sexagénaire américain. Elle n'a pas non plus la même interprétation d'un genre musical, ni les mêmes références. C'est aussi pour cela qu'on ne peut plus se référer aux simples genres musicaux pour déterminer les recommandations. Même en terme d'humeur, les références ne sont pas les mêmes. Une chanson considérée comme triste et mélancolique en France ne l'est pas forcément à l'autre bout de la planète. Apparemment le seul style universel est le style dansant ! Il faut donc effectuer un travail de recherche et d'analyse beaucoup plus fin, presque au cas par cas, pour proposer avec pertinence des artistes et des morceaux à chaque profil.
Manuel nous a notamment présenté Spleeter, un logiciel de séparation de sources développé par Deezer pour effectuer les recherches évoquées précédemment. Grâce au modèle open source, cet outil est utilisé désormais par des professionnel·les de la musique, ou des développeur·ses qui veulent s'amuser à faire des karaokés ou s'entraîner sur un instrument en particulier.
Nous voulons également croire que la tech vit une transformation positive, vers plus de diversité. Est-ce aussi le cas de la musique ?
De manière générale, il y'a une grande majorité d'hommes dans les titres les plus écoutés. Mais Rachel observe tout de même une évolution depuis le début de sa carrière, et particulièrement depuis ces 3 dernières années. Cette évolution s'opère autant sur la forme de la musique que sur son contenu. Symboles d'une génération et d'une société très engagées, les paroles se font plus profondes et plus significatives, faisant des interprètes des porteurs de messages et de convictions. On peut citer Pomme, Angèle, Suzane, ou encore Chilla. Un documentaire sur Arte sur le pop féminisme montre notamment comment les chanteuses s'approprient le sujet du féminisme et les répercussions fortes de leurs messages.
Les artistes masculins se font également remarqués par leur engagement plus assumé ou revendiqué. Grand Corps Malade par exemple a récemment sorti un album, Mesdames, dénonçant les inégalités hommes-femmes.
Tout comme dans la tech, le féminisme émerge chaque jour un peu plus dans la musique.
En tant que licorne française de la tech, comment Deezer s'engage-t-elle en faveur de la diversité ?
Grâce au parcours atypique de son fondateur, Deezer est née avec pour mot d'ordre le respect des différences et de l'inclusion, faisant de celle-ci le coeur de son business modèle.
Finalement la logique est assez simple : Deezer souhaite faciliter et personnaliser l'accès à la musique. Elle doit comprendre les goûts, la personnalité et donc l'identité de chacun·e de ses abonné·es. Or comment concevoir la pluralité et la complexité de son marché si l'on n'a pas une bonne connaissance de la diversité qui fait notre monde ? C'est pourquoi Deezer se doit de respecter l'inclusion en son sein de sorte de répondre pertinemment aux besoins de son marché.
Concrètement, 3 axes sont suivis par Deezer dans leur politique de diversité en entreprise :
- Recruter des profils diversifiés
Comment attirer ces profils, et en particulier les profils féminins ? Le premier chantier est celui de la communication (articles, formules ...) pour rassurer les candidates sur l'environnement bienveillant de Deezer. Le second est le sourcing directement sur Linkedin ou les partenariats avec des centres de formation engagés. Le troisième et dernier chantier consiste à rédiger des annonces de recrutement non orientées ou genrées, s'adressant ainsi à tous les profils. Pour ce faire, les équipes RH sont formées pour respecter la neutralité de leurs communications.
2. Garantir l'inclusion au sein des équipes.
Une fois que les personnes sont embauchées, il faut qu'elles se sentent bien dans l'entreprise. C'est là que l'inclusion rentre en jeu. Et c'est notamment le travail d'Emilie, Head of People, de faire en sorte que les équipes soient soudées et que la communication y soit fluide. Deezer lance d'ailleurs un programme de conférences et d'ateliers "Diversity & Inclusion" pour sensibiliser et former ses équipes dans cette optique. Un point très important soulevé par ce programme est la formation personnelle : comme le dit Emilie, on a rarement le sentiment d'être la source des discriminations et des préjugés. Ces conférences ont donc aussi pour objectif de révéler certains comportements profondément ancrés et assimilés - donc ignorés - afin de modifier les mentalités.
"Il faut accompagner chacun dans sa réflexion sur quels sont mes propres biais ?" Emilie, Head of People chez Deezer
3. Créer et entretenir un écosystème de partenaires engagés
Pour s'informer et s'inspirer, Deezer travaille avec d'autres structures soucieuses des problématiques de diversité et d'inclusion. C'est le cas d'Ada Tech School par exemple. L'entreprise est également membre du programme gouvernemental Tech For Good qui réunit les acteurs de l'innovation responsable et engagée, et du comité Women in Tech.
Pour creuser sur les sujets tech & musique
Les métiers de nos intervenant·es
Rachel est Head of Music : elle dirige la stratégie Musique France (playlists, création originale, échanges avec artistes, labels et équipe). Rachel entretient d'étroites relations avec les labels qui livrent au total plus de 20 000 références par jour à Deezer. Son travail ne consiste pas à négocier des contrats commerciaux de distribution digitale, mais plutôt de se tenir au courant des tendances musicales en échangeant avec les artistes et les labels. Rachel est à la tête d'une équipe de 5 personnes - 4 responsables de la partie playlisting et 1 personne responsable des projets éditoriaux.
Angéline est Lead Web Engineer : elle gère la partie développement back-end de plusieurs projets :
- La plateforme Deezer, version web et mobile via les APIs
- Les pages de contenus (artistes et albums)
- Le social-sharing via le projet My Deezer Year (qui te propose un recap ton votre année en musique)
- Les projets d'analytics (sur la musique comme sur les podcasts)
En tant que femme développeuse, Angéline nous rappelle l'importance, voire l'avantage de la diversité dans l'informatique. Une équipe mixte est une promesse de performance, tant que la communication est fluide.
"Être une femme dans la tech est même une force. Une femme au sein d'une équipe d'hommes va apporter de l'équilibre."
Manuel est Head of R&D : il travaille avec son équipe (composée de chercheur·ses, de développeur·ses et de doctorant·es) pour proposer des services optimisés en terme d'organisation de la musique et de navigation sur la plateforme. Il se penche notamment sur les sujets de compréhension automatique de la musique (langue, instruments, genre, mood...), et de contexte d'écoute pour améliorer le services de recommandations musicales aux utilisateur·rices.
Émilie est Chief People Officer ou Directrice RH : elle s'occupe du recrutement puis de l'accompagnement, de l'épanouissement des salarié·es.
Les ressources de la conférence
Pendant cette conférence, l'équipe de Deezer et les participant·es ont échangé quelques références, les voici :
- un article sur la perception musicale selon les cultures
- l'entretien de Thomas Bouabça sur la personnalisation du contenu sur Deezer
- la stratégie User-centric de Deezer pour rémunérer les artistes
Ada Tech School
Ada Tech School est une école d’informatique inclusive, qui forme au métier de développeur·se en 21 mois. Elle a trois campus : Paris, Nantes et Lyon. Au sein de l'école, les apprenant·e·s apprennent en faisant grâce à une pédagogie alternative inspirée de Montessori, approchant le code comme une langue vivante et favorisant la collaboration et l’entraide grâce à des projets collectifs. L’école doit son nom à Ada Lovelace, qui fut la première programmeuse de l’histoire.
Après neuf mois de formation, les apprenant·es sont opérationnel·le·s et prêt·e·s à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école (Trainline, Deezer, Blablacar, JellySmack, Back Market...).
Aucun pré-requis technique n’est exigé pour candidater. Il suffit d’avoir plus de 18 ans. La sélection se fait en deux temps : formulaire de candidature puis entretien avec une réponse sous 2 semaines. Pour plus d’informations sur la formation, télécharge notre brochure de présentation.