Genre, féminismes et pop culture : comprendre l’effet Scully

Féminisme nov. 09, 2022

Le personnage de Dana Scully, incarné par l'actrice Gillian Anderson, est devenu un modèle pour les femmes dans le monde entier. À travers son personnage, Gillian Anderson a su montrer aux femmes qu'elles pouvaient être fortes, intelligentes et indépendantes. Dans cet article, nous allons voir comment le personnage de Dana Scully a pu avoir un tel impact sur les séries féministes.

La pop culture est présente dans notre quotidien. Elle divertit et nous sert de support d’apprentissage. Elle est d’autant plus influente auprès des enfants et des adolescent.es, notamment au moment des choix d’orientations.

Le personnage de Dana Scully, incarné par l'actrice Gillian Anderson, dans X-Files

Une grande disparité de représentation sur nos écrans

Parlons peu, parlons chiffres :

  • Dans les films familiaux, il y a environ 3 garçons représentés pour 1 fille
  • 80,5% des personnages exerçant une activité professionnelle sont des hommes (contre 50% dans la réalité). On compte encore moins de femmes montrées dans les domaines scientifiques ;
  • Quand 17% de filles apparaissent à l'écran, les spectateurs ont l’impression d’en voir 50%.

Les récits médiatiques participent à différencier les genres : le destin d’une femme n’est pas le destin d’un homme. Et pour les quelques femmes qui apparaissent sur nos écrans, le combat n’est pas encore gagné. Le test de Bechdel nous le montre bien.

Prenez une oeuvre de fiction et posez-vous les questions suivantes :

  • Est-ce qu’il y a deux femmes nommées ?
  • Est-ce que ces deux femmes parlent ensemble ?
  • Parlent-elles d’autre chose que d’un homme ?

Selon le bechdeltest.com, sur près de 4500 films de genres différents, seuls 5% passent le test. Cela montre bien le cruel manque de représentation. Avec des ajustements, ce test peut s’adapter à n’importe quelle discrimination (racisme, agisme, …). Si on analyse la situation sous un prisme intersectionnel, les résultats ne sont guère meilleurs :

  • 5% des personnages de films sont interprétés par des femmes de couleur ;
  • Sur le top 500 du Box Office de tous les temps, seulement 6 films ont une femme de couleur comme personnage principal ;
  • La majorité des femmes qui apparaissent à l’écran ont entre 34 et 41 ans. Au delà, leur présence à l’écran chute drastiquement et on ne compte que 3% de femmes de plus de 65 ans ;

En résumé : plus on coche de cases de discrimination, moins on a de chance de se voir à l’écran.

Dans son ouvrage Féminismes et pop culture, la journaliste Jennifer Padjemi nous fait part de ses réflexions et de ses recherches sur le sujet. Elle montre avec brio comment la pop culture et les médias ont tendance à perpétuer les stéréotypes et à délaisser les minorités.

Livre Féminismes et pop culture par Jennifer Padjemi

L'importance des rôles modèles

Saviez-vous qu’alors que 44% des petites filles de 8 ans veulent être des “leaders” à l’âge adulte, ce chiffre tombe à 21% passé l’âge de 12 ans ?

D'où l’importance des rôles modèles. Si on ne me voit pas, cela veut dire que je n'existe pas car on ne me montre pas. Au-delà de mettre en exergue les manques de représentations, le fait même que des humains soient cantonnés à des cases stéréotypées pose problème en créant des fausses “normes”.

Au début des jeux vidéos, les joueurs visés étaient principalement les enfants. Les concepteurs ont donc créé des personnages mignons comme Alex Kidd ou des animaux. Les années ont passé, le public cible a grandi et les standards pour vendre ont évolué. Les concepteurs de jeux vidéo ont alors commencé à faire correspondre leurs personnages aux représentations de la virilité des films d’action des années 1980. C’est là que l’on voit apparaître Kratos, Duke Nukem et autres Solid Snake.

(Duke Nukem Forever - 2011)


Une esthétique faite par et pour des hommes, le tout basé sur des idéaux testostéronés. Parmi ces machos aux muscles atrophiés qui sauvent l’humanité, quelle place pour les masculinités différentes ?

La place de la femme est encore moins valorisée, portant presque toujours les traits de la “demoiselle en détresse”. C’est le problème avec les représentations uniformisées soumises à un marketing biaisé, comme on peut le voir dans le documentaire Geek Girls.

“On se définit à travers des objets : des objets qu’on achète, qu’on porte, les films qu’on voit. Le problème c’est que les objets ne sont pas censés être nuancés, mais doivent attirer le plus grand nombre.” témoigne Rachel Weil (programmeuse).

“Au pays des geeks, les femmes sont seulement autorisées à être des soubrettes ou des robots sexy.” Gina Hara, réalisatrice du documentaire.

Malgré des tentatives à la marge à cette époque, comme Samus Aran dans le jeu Metroid (personnage découlant du personnage d’Helen Replay dans Alien) ou plus récemment Lara Croft (aventurière certes mais sur-sexualisée pour l’époque), quelle est la place pour les femmes fortes, indépendantes, inspirantes ?

En effet, il ne suffit pas simplement de mettre des femmes à l’écran, encore faut-il les représenter de manière juste et inspirante.

Dana Scully, féminisme et pop culture : l’effet Scully

Le 10 septembre 2022, Disney dévoile au monde la bande-annonce du nouveau film de la Petite Sirène. Très rapidement la vidéo suscite de vives réactions car le rôle d’Ariel est interprété par Halle Bailey, une actrice noire. Malgré un flot de critiques dont les fameux “c’est pas réaliste'', le phénomène fait émerger des réactions bien plus précieuses : des vidéos virales de petites filles et de femmes noires émerveillées de voir enfin une petite Sirène qui leur ressemble.

Réaction des petites filles émerveillées de voir une petite Sirène noire


Cet effet a un nom : l’effet Scully.

L'effet Scully tire son nom du personnage de Dana Scully de la série américaine X-Files, incarné par l'actrice Gillian Anderson. Dans cette série diffusée pour la première fois en 1993, Dana Scully est non seulement diplômée en physique et en médecine, mais elle est aussi une agente spéciale du FBI. Et plus important encore : elle n’est pas juste la geekette d'arrière-plan ou la demoiselle en détresse, mais bien un des deux personnages principaux et donne la réplique à son collègue masculin Fox Mulder. Scully est apparue comme un exemple à suivre pour les téléspectatrices.

«À l’époque où Scully a débarqué sur les écrans, on ne voyait pas ce genre de femmes à la télévision: un personnage féminin sûr d'elle, respectée par son collègue masculin. Bon nombre de filles se sont retrouvées dans ce personnage», souligne Gillian Anderson dans une interview.

En février 2018, la chaîne de télévision FOX fait appel au Geena Davis Institute on Gender in Media - une organisation à but non lucratif qui étudie les représentations de genre dans les médias - pour mener une étude et répondre à la question suivante : les femmes qui ont regardé la série ont-elle été influencées et encouragées à poursuivre des carrières dans le STIM (Science, technologie, ingénierie et mathématiques) ?

Le résultat de l'étude est sans appel : les femmes qui ont regardé la série ont 50% de chance en plus que les autres de travailler dans les domaines scientifiques. Deux-tiers des répondantes ont également répondu que Scully avait été un rôle modèle pour elles.

Dana Scully a ouvert la voie aux Dr Temperance Brennan (Bones), Dr Rainbow Johnson (Black-ish), Dr Amy Farrah Fowler (The Big Bang Theory) ou encore Darlene Alderson (Mr. Robot).

Élémentaire mon cher Mulder.

Quelle meilleure manière de conclure cet article qu’avec ce clip vidéo de Geek Girls & The Doubleclicks. Le message est simple mais il fait toujours du bien à entendre : si on te colle une étiquette que tu n’aimes pas, proteste, ne te décourage pas et continue à faire ce que tu aimes.

Clip vidéo de Geek Girls & The Doubleclicks

À propos d’Ada Tech School

Ada Tech School est une école d’informatique féministe d’un nouveau genre. Elle s’appuie sur une pédagogie alternative, approchant le code comme une langue vivante, ainsi que sur un environnement féministe et bienveillant. Elle doit son nom à Ada Lovelace qui fut la première programmeuse de l’histoire.

L’école est située à Paris et accueille chaque promotion pour deux ans. Après neuf mois de formation les étudiants sont opérationnels et prêts à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école comme Trainline, Deezer, Blablacar ou encore Botify.

Aucun prérequis technique n’est exigé pour candidater. Il suffit d’avoir plus de 18 ans. La sélection se fait en deux temps : formulaire de candidature puis entretien avec une réponse sous 2 semaines ! Pour plus d’informations sur la formation, télécharge notre brochure de présentation.


Références et de sources pour aller plus loin :


Julie Garnier

Makeuse, formatrice, passionnée par les enjeux sociétaux autour des nouvelles technologies. Co-fondatrice du collectif MakeHerSpace, je travaille sur l'inclusion de genre dans les fablabs.

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