C’est quoi le féminisme de l'école d'informatique Ada Tech School ?

D’abord implantée à Paris, la success story d’Ada Tech School se poursuit sur un nouveau campus à Nantes… Comment expliquer un tel engouement pour une école d’informatique féministe qui dépoussière un milieu patriarcal encore bien ancré ?

Sans aucun doute, Ada Tech School est arrivée à un moment charnière de prise de conscience féministe à l’échelle sociétale. La révolution en jeu à notre époque touche tous les domaines, du public à l’intime, en bouleversant également nos rapports à la vie académique et professionnelle.

Les stéréotypes de genre ont la vie dure, notamment dans la tech, un secteur encore majoritairement masculin. Ada Tech School est née pour redonner une place et le pouvoir aux femmes, aux minorités de genres et aux personnes sous-représentées dans les métiers de la tech.

Leur offrir l’opportunité de s’épanouir dans l’informatique, c’est incontestablement faire preuve de féminisme et d’inclusivité. Mais d’ailleurs… c’est quoi, le féminisme d’Ada Tech School ?

Chloé Hermary, la fondatrice d’Ada Tech School, s’est prêté à ce complexe exercice de définition du féminisme en nous partageant son expérience d’élève à HEC, de jeune employée dans la finance, puis de CEO d’une école de code alternative.

Découvre ci-dessous l’intégralité de son témoignage inspirant !

Chloé Hermary, fondatrice de l'école d'informatique féministe Ada Tech School

D’où vient ta prise de conscience féministe ?

Ma prise de conscience féministe a été tardive, elle a eu lieu lors de ma dernière année d’études à HEC. J’ai grandi avec l’idée que “quand on veut, on peut”... Je n’ai compris qu’a posteriori que les expériences que j’avais vécu pendant mes études étaient typiquement genrées, et en particulier pendant ma majeure d’entrepreneuriat.

Du côté des femmes, il y avait une vraie volonté de bien faire, que j’ai ressenti aussi personnellement, tandis que les hommes avançaient davantage avec la certitude que leur boîte allait marcher. C’est là que j’ai commencé à regarder en arrière. J’ai réalisé que finalement, mon parcours avait été influencé par le fait que j’étais une femme, que j’avais des expériences marquées par mon genre.

Par exemple, quand j’ai travaillé dans la finance, on a moins cru en mes compétences, du fait que j’étais une jeune femme.

Au début, je pensais que c’était un défi que je pouvais relever, mais j’ai compris en dernière année d’études que tout ça était profondément injuste. Et c’est ça le féminisme. C’est de se dire : l’expérience des femmes dans la société est différente de celle des hommes, donc en tant que féministe, je trouve cela inacceptable.

Quels étaient tes premiers modèles féministes ?  

L'école d'informatique féministe Ada Tech School entend redonner aux femmes une place et du pouvoir dans la Tech

À la fin de mon stage dans la finance, on m’avait reproché d’être trop souriante… ! On m’a dit qu’il fallait que je change de comportement car les femmes qui réussissent en entreprise sont des femmes froides, comme Christine Lagarde. J’avais l’impression que les modèles de réussite féminins dans mon milieu étaient des femmes qui ne me ressemblaient pas.

J’ai donc passé beaucoup de temps à me sentir complètement hors norme et un peu inapte à la réussite selon les codes de ce milieu. J’ai mis du temps à comprendre qu’il s’agissait d’un problème féministe. Je me disais toujours que j’allais leur prouver que j’en étais capable, car j’avais coché toutes les cases de la bonne élève. J’avais suivi la formation la plus élitiste et j’ai réalisé que malgré tout, je n’étais jamais prise au sérieux autant qu’un homme.

Là, je me suis dit qu’en effet, il y a peut-être un problème si je dois passer ma vie à me battre pour légitimer ma présence et ma compétence !

Pourquoi avoir décidé d’apporter ta pierre à l’édifice en créant une école féministe ?

Ada Tech School, la première école de code féministe et inclusive


Si moi, qui ai “réussi” à l’école, j’ai eu cette prise de conscience féministe - et j’ai presque été écœurée de ce parcours-là - alors pensons à ce que ressentent les personnes qui galèrent à l’école depuis toujours... Comment se fait-il qu’avec ce bagage académique, je me sente toujours hors norme ? Pourquoi l’école est-elle si normée et discriminante ? Pourquoi souffrir quand on ne rentre pas dans une case ?

J’ai donc eu envie de créer une école qui permette aux personnes qui ne répondent pas à la norme de se réapproprier cette aspiration à l’excellence - qui sera la leur et non pas celle de la société hyper compétitive et hyper masculine, tournée vers l’argent et le pouvoir. Tout cela déshumanise le travail.

J'ai voulu créer une école qui porte une vision de la réussite et de l’épanouissement professionnel découlant d'une ambition personnelle, au-delà des normes et des injonctions sociales, qui te permette, qui que tu sois et d’où que tu viennes, de t’approprier ta propre réussite.

Et l’approche sociologique du féminisme et de l’inclusion est indissociable de cette démarche.

Quelle est ta définition du féminisme ?


J’ai découvert le féminisme quand j’ai commencé à lire des bouquins (Sorcières de Mona Chollet ou Tout le monde peut être féministe de Bell Hooks) et à en parler avec d’autres femmes.

Le féminisme, c’est une forme de science - aujourd’hui très militantiste - mais pour moi c’est aussi un examen de la société passé et présente au prisme du genre et des discriminations autour du genre.

En dernière année d’études, j’ai réalisé qu’il y avait des preuves que ce que je vivais était un héritage de la manière dont la société a été construite. Tu découvres que les femmes ont obtenu le droit d’ouvrir un compte en banque en 1965, qu’elles ont acquis la reconnaissance de la parentalité autonome vers 1975... Dans la société, les femmes n'avaient pas de reconnaissance économique, sociale et politique jusque très récemment.

Quand tu regardes le féminisme comme une science sociale, ça prouve que tout ça est bien réel, et ça permet d’être plus positif en transformant la colère face à l’injustice en connaissance. En ce sens, c’était logique de créer une école d'informatique féministe avec Ada Tech School, car c’est un outil pour changer la société.

J’ai commencé par me demander pourquoi le milieu informatique était aussi inégal, puis à chercher les moyens de lever les freins. Comment s’adresser aux candidat·e·s ? Comment les informer, leur redonner confiance en eux·elles sans les stigmatiser sur les pré-requis, les tests ou diplômes, les rendre autonomes, travailler les critères de recrutement, etc…

On pourrait - légitimement - être en colère contre toutes les injustices faites aux femmes pendant ces siècles, mais la vie est trop courte pour ça ! Alors il faut surtout fournir des solutions pour rétablir un ordre qui peut être plus équitable, plus juste et donc plus libre ; libre d’être qui on veut, aussi bien pour les femmes que les hommes. C’est ça mon féminisme, qui est celui de notre école d'informatique, c’est de faire éclater les normes autour du genre, ce n’est pas pour rien qu’Ada Tech School est une école qui entend casser les codes !

Quelle est la différence entre féminisme et inclusion ?

VRAI / FAUX : les clichés sur les étudiant·e·s en école d'informatique

Le féminisme se jauge au regard des expériences femmes/hommes, mais ce qu’on voit aujourd’hui à travers les différentes mouvances, c’est qu’il est difficile de tracer des frontières claires. Le féminisme, c’est avant tout un examen autour du genre, de ce que sont censé·e·s être un homme ou une femme, ce qui interroge aussi la question des transgenres, donc de l’inclusion LGBT. Très vite, on va aussi penser à ce que c’est que d’être une femme noire, par exemple.

Pour moi, l’inclusion c’est le fait d’intégrer une personne et de la laisser être libre d’être qui elle est en cohabitation avec les autres.

Donc le féminisme est un pan de l’inclusivité. C'est le fait de se demander comment être une femme libre. Mon féminisme est intersectionnel, il réfléchit à l’inclusion.

L’inclusion est complexe à réaliser car elle réunit autour de la table un ensemble de points de vue différents qui créent nécessairement des étincelles. On ne sait pas tout de l’autre, de ses expériences, de ce que c’est que d’être une femme noire, un homme blanc déscolarisé, etc.

Dans l’inclusion, on ne va pas chercher à gommer les différences mais les faire cohabiter, montrer qu’elles sont toutes valables, et qu’il est possible de s’épanouir en travaillant ensemble dans une égalité d’opportunités.

Comment applique-t-on les principes du féminisme et de l’inclusion dans un projet éducatif ?

La "clôture" : un rituel d'expression libre et d'écoute bienveillante

Premièrement, il s’agit de créer un environnement d’apprentissage de la cohabitation où tu arrives à faire communiquer cette diversité, à solliciter l’empathie de chacun·e, à l’écoute de chaque point de vue.

À l'école d'informatique Ada Tech School, il y a un rituel super qui va dans ce sens, c’est la clôture. Tout le monde est assis en cercle et se passe un bâton de parole en fin de journée. Ce rituel met en exergue les différentes expériences des apprenant·e·s qui vont par exemple raconter au groupe les difficultés de leur journée. Parfois, ça révèle que des personnes différentes peuvent vivre les mêmes choses. Ça permet de normaliser, de créer du partage, de la communication, de la confiance. Cette part de bienveillance et de transparence permet à chacun·e de s’inclure.

En prépa, à HEC ou en finance, on te demande d’être qui tu n’es pas, de laisser tes émotions sur le pas de la porte. Au contraire, à Ada Tech School, tu amènes ton bagage avec toi et tu l’exprimes. Tu le mets en miroir des autres vécus et tu apprends à avancer avec.

Avec la pédagogie Montessori, on met l’individu au centre de l’apprentissage, tout en le plaçant au sein du collectif dans une dynamique de collaboration et d’entraide.

Quelques chiffres sur la place des femmes aujourd’hui à l'école d'informatique féministe Ada Tech School ?

La parité, une valeur essentielle pour Ada Tech School

On reçoit 70% de candidatures féminines, sans instaurer de quotas. Ada Tech School aspire à être un modèle qui s'auto-entretient, qui montre que si on pense le projet de manière holistique, on n’a plus besoin de quotas car les candidatures féminines vont être induites par le mode de recrutement, la pédagogie, etc.

On se retrouve donc avec des personnes de tous les horizons, d'origines diverses, avec tous les bagages académiques ou en reconversion professionnelle, dont les âges varient aujourd'hui de 17 à 50 ans…

Du côté des encadrantes, on a aujourd’hui environ 50% de femmes en plus d’une grande diversité de profils avec des encadrantes en reconversion pro, noire ou bien LGBT. Ça permet aux apprenantes de se projeter, d’avoir des modèles auxquels s'identifier.

Pourquoi c’est essentiel d'œuvrer en ce sens ?


Ce qui me motive dans le projet de l'école d'informatique féministe d'Ada Tech School, c’est qu’on peut recréer une culture citoyenne pour permettre à des individus divers de participer à un projet commun. Créer un sens du collectif et de l’écoute pour avancer ensemble, sans homogénéiser, une chose que l’on retrouve beaucoup dans les pédagogies Montessori et Freinet.

On peut le voir dans le rapport du GIEC, il y a aussi une très grande interdépendance entre les inégalités et la catastrophe écologique. Donc il faut réinventer un projet citoyen dans la société actuelle, avec sa diversité, ses nouveaux outils technologiques. Il faut adresser à l’échelle planétaire des sujets d’inclusion et d’équité, car ces sujets amènent les questions de durabilité du modèle économique, donc écologique et éthique.

Souvent, quand tu aspires à l’inclusion, tu aspires aussi au respect de l’environnement. C’est nécessaire de s’en préoccuper, d’autant plus avec le numérique qui accélère nos usages, et qui pourrait continuer à cristalliser les inégalités, les discriminations, la crise écologique, etc.

À quoi ressemblerait l’utopie réalisée de l'école d'informatique féministe Ada Tech School ?

Ada Tech School, une pédagogie alternative inspirée de Montessori

Ce que je trouve incroyable, c’est que la pédagogie Montessori est maintenant dans 110 pays avec 40 000 écoles. Maria Montessori a réussi à essaimer sa philosophie de l’éducation, et à instaurer ce modèle alternatif et bienveillant dans les esprits. Elle y est parvenue parce qu’elle a explicité à la fois la théorie et les outils pédagogiques, ce qui a permis aux profs de l’appliquer dans leur classe.

L’utopie réalisée serait d’avoir réussi à construire l’école Montessori de la tech, qu’il existe grâce à la pédagogie Ada Tech School un autre modèle académique, où : tu es content·e de venir tous les matins, tu apprends à programmer en jouant, tu reprends confiance en toi et où tu peux t’intégrer dans le milieu informatique et dans la société.

Je voudrais porter une vision de l’éducation globale, selon laquelle il existe une nouvelle culture et un nouvel apprentissage possible de la tech.

Toi aussi tu souhaites rejoindre la première école d'informatique féministe ? Pour en savoir plus sur Ada Tech School, télécharge notre brochure et inscris-toi à nos événements !

À propos d'Ada Tech School

Ada Tech School est une école d’informatique féministe d’un nouveau genre. Elle s’appuie sur une pédagogie alternative, approchant le code comme une langue vivante, ainsi que sur un environnement féministe et bienveillant. Elle doit son nom à Ada Lovelace qui fut la première programmeuse de l’histoire.

L’école est située à Paris et accueille chaque promotion pour deux ans. Après neuf mois de formation les étudiants sont opérationnels et prêts à réaliser leur apprentissage - rémunéré - pendant douze mois dans une des entreprises partenaires de l’école comme Trainline, Deezer, Blablacar ou encore Botify.

Aucun prérequis technique n’est exigé pour candidater. Il suffit d’avoir plus de 18 ans. La sélection se fait en deux temps : formulaire de candidature puis entretien avec une réponse sous 2 semaines ! Pour plus d’informations sur la formation, télécharge notre brochure de présentation.